Extrait d'un article par Bruno Heureux paru dans http://hannut.blogs.sudinfo.be/  en août 2014

Accueil et intégration

 
Ce récit a pour cadre le village de Thisnes et certains de ses habitants ; mais l’histoire rapportée pourrait concerner n’importe quel autre village ainsi que les gens qui y vivent et... y meurent.
 
Depuis quatre-vingt-deux ans, Marie-Louise et son frère, Marcel, partageaient  leur vie, leur maison, leur passion commune, le travail de la ferme. Puis, la mort les a séparés durant trois semaines. Mais aujourd’hui, « Malou » et « le Djè » sont à nouveau réunis dans et pour l’éternité.
 
Leurs deux départs, très proches, m’ont particulièrement ému : en effet, cette famille de « paysans, fiers de l’être, » nous a accueillis amicalement, mon épouse, nos fils et moi-même, lors de notre arrivée à Thisnes, il y a plus de 37 ans. De même que Claire et Edgard, Irma et Armand, nos voisins immédiats, les Pirson ont eu à notre égard quelques mots d’abord puis quelques gestes concrets démontrant leur souhait, leur volonté de faciliter notre intégration à notre nouvel environnement. Au fil du temps, ces bonnes relations de voisinage, entretenues et développées fidèlement, se sont muées en une complicité amicale qui a donné à notre vie une qualité chaleureuse jamais démentie.
 
Cette expérience, d’autres arrivants l’ont également vécue ; pour eux aussi, des mains, des maisons, des cœurs se sont ouverts, leur donnant les conditions, la recette, la clé du bon et bien vivre, à Thisnes et ailleurs à la campagne. Puisse cet esprit perdurer longtemps encore dans nos villages.

                Mais la réussite d’un accueil et d’une intégration dépend également et tout autant de l’attitude et de la mentalité des arrivants. Un Thisnois de souche me disait un jour : « Les nouveaux ont beaucoup plus de chance de s’intégrer chez nous s’ils arrivent sur la pointe des pieds, humblement, essayant de comprendre la mentalité et les usages de chez nous, ayant la sagesse et faisant l’effort de s’y adapter ; leur récompense sera alors d’être considérés progressivement comme des gens d’ici... Par contre, certains d’entre eux quittent les centres urbains pour, disent-ils, trouver ici un meilleur cadre de vie ; mais, dans la réalité, ils s’installent à la campagne pour y vivre comme en ville ; ils ne participent à aucune activité ou festivité locale et dédaignent les traditions et usages ruraux. Résultat ? Leur intégration est nulle, ils restent et resteront à jamais des « Bruxellois » et leurs enfants seront toujours des fils et filles  « d’étrangers » !
 
« Bruxellois » et « étrangers » sont lesdénominations parfois données, dans nos villages, par les vieux habitants du cru aux nouveaux arrivants si ceux-ci ne cherchent pas à s’intégrer, qu’ils viennent de Bruxelles, Liège, Namur, Anvers, Saint-Trond, Waremme, Jodoigne... et même parfois d’un village voisin à la « mentalité fort différente » !!! Car, ici comme ailleurs, la notion d’étranger, accompagnée d’une sorte de condamnation sans appel, est surtout appliquée à celui que l’on ne connaît pas, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, quelle qu’en soit la raison.

Cette réflexion exprime sans doute une partie de la réalité. Mais, elle pose implicitement une question qu’il faut oser poser : si des nouveaux arrivants participent à une activité du village « pour voir ce que c’est », y a-t-il toujours des gens du cru qui font un pas vers eux, leur adressent la parole, les invitent à boire un verre ensemble... ? Pas sûr ! Il y a alors de quoi décourager la vraie démarche vers l’intégration qu’ont tentée ces personnes finalement laissées seules dans leur coin.
 
Accueil et intégration sont intimement liés. La réussite de l’intégration dépend en grande partie de la qualité de l’accueil par les « autochtones ». Mais l’adaptation des arrivants au contexte rural et aux usages locaux de leur nouvel environnement est aussi une condition sine qua non d’une intégration progressive.
 
A chacun, donc, de faire un pas vers l’autre, dans le respect mutuel...

Source & texte de Bruno Heureux